mercredi 30 avril 2008

Revue de lecture - 2005 - décembre

décembre "Il n'y a pas d'ouvrages moraux ou immoraux, il y a seulement des ouvrages bien écrits ou mal écrits." Oscar Wilde, 1891 (traduction libre)

Encyclopedia of censorship. Édition New. ed. / Jonathon Green, Nicholas J. Karolides. New York : Facts On File, c2005. xxii, 698 p. ISBN 0816044643Les deux auteurs sont des historiens de la censure. Jonathon Green est un des lexicographes les plus connus en Angleterre. Parmi ses ouvrages les plus marquants, on compte les titres suivants: Macmillan Dictionary of Contemporary Slang, Slang Down the Ages, Cassell Dictionary of Slang , and plus récemment, Big Book of Filth.. Nicolas J. Karolides est l'auteur entre autres de 100 Banned Books: Censorship Histories of World Literature

Les histoires sur la censure des oeuvres artistiques et littéraires sont fascinantes car elles sont le reflet des valeurs, des passions idéologiques, politiques et religieux qui animent les sociétés . De A à Z, cette nouvelle édition de l'encyclopédie sur la censure est la plus complète jamais parue sur ce thème. Une description exhaustive des ouvrages et des oeuvres de poètes, d'écrivains, d'artistes, de peintres, de musiciens, de cinéastes et de tous les créateurs qui ont subi à travers les siècles et les pays jusqu'à notre époque les foudres de la censure. Dans cette version, douze nouveaux pays ont été ajoutés avec la description de la vaste panoplie des moyens juridiques et légaux mis en place par les législateurs pour réprimer la liberté d'expression et pour s'assurer le contrôle du savoir et de l'information. Un livre complet et captivant de l'histoire mondiale de la censure et de son évolution de l' Antiquité à nos jours et un ouvrage incontournable dans toutes les bibliothèques.

Le bonheur de vivre en enfer / Emmanuel Pierrat. Paris : Maren Sell, c2004. 125 p. ISBN 2350040062.
Emmanuel Pierrat est avocat au barreau de Paris. Connu comme plaideur des affaires de censure dont certaines sont célèbres comme celles de Michel Houellebecq et de Skoreck, il enseigne aussi le droit d'auteur et le droit de la communication à l'Université Paris - XIII .

Dans ce petit essai farci d'érudition et d'humour sur les oeuvres interdites et leurs histoires, Emmanuel Pierrat en bibliomane averti, nous livre ses réflexions sur la censure et les censeurs. A bas la censure, mais vivent les censeurs! L'auteur explique pourquoi il les aime tant: non seulement les censeurs lui procurent une bonne partie de son pain et son beurre, mais aussi les sources de ses plaisirs, c'est à dire de sa collection d'ouvrages licencieux dans laquelle, allègrement , il "reconvertit ses honoraires et droits d'auteurs".

Sous la plume espiègle de Pierrat, le lecteur revit l'histoire de ces oeuvres considérées comme libertines, licencieuses, rebelles, anticléricales et incitatives à la désobéissance et à la débauche, tour à tour tolérées ou pouchassées. Leurs destins racontés par Pierrat est souvent singulier. Comme les chats, elles ont parfois plusieurs vies et bien souvent doivent leur renommée et leur survie à ceux qui les pourfendent.

Sur un mode facétieux, il fait le portrait de ces êtres complexes que sont les censeurs. Le censeur est un obsédé et un obsessif, mais il a bon goût et sait reconnaître la vérité scientifique, et "recherche ce qui passionne l'érudit et le curieux". Les répertoires des livres illicites ou libertins que les censeurs ont établis avec un soin obsessif font le bonheur du bibliophile qu'il est. Car le censeurs sait titiller la curiosité des lecteurs, étant un excellent incitateur à la lecture et un conservateur acharné. En témoignent tous les ouvrages sauvés de l'autofadé et conservés pour la postérité dans les plus grandes bibliothèques du monde, à la BNF, à la la British Libary, à la bibliothèque du Vatican, à la réserve de Saint-Petersbourg, etc., et tous ces répertoires où sont inventoriés par titres, par auteurs, par éditeurs les objets de leur fureur. A l'appui de ce zèle admirable, il cite cette anecdote croustillante: un jeune chariste fraîchement embauché à la BNF, en 1947, déplorait dans une lettre auprès du Ministère de l'instruction publique que :" ...depuis deux ans l'essentiel de mon activité professionnelle consiste à cataloguer les livres à caractère érotique et pornographique des séries Enfer et Flagellation.

En boutade, l'auteur parle du censeur comme un être "cyclothymique" c'est à dire sujet à des troubles de variations d'humeur imprévisibles. Selon les périodes, le censeur est "hyperactif" (trop zélé) ou dépressif (passif) , d'où le manque de cohérence et de consistance dans ses actions. Au gré des hauts et des bas de ses humeurs, ce qui hier était pourfendu est "accepté" le lendemain ...pour être de nouveau interdit plus tard. La chronique judiciaire abonde d'exemples où, à une période de permissivité succède une période de grande répression. Il cite le cas du blasphème, bien vu au carrefour des XlX et XX siècles, après avoir été pourchassé au cours des siècles précédents et redevenu "immoral" de nos jours et passif de peine de mort !!. En 1824, la police découvre et interdit Les liaisons dangereuses, jugé décadent, alors que cet ouvrage a été publié plus de trente ans auparavant sans problème! . La condamnation de Rushdie et les poursuites contre Houellebecq sont d'autres cas saissisants de ce retour en arrière.

Le censeur n'est pas à un paradoxe près et lui-même, l'auteur, en tant qu'avocat et écrivain, n'est pas exempt de contradictions et de conflits personnels quand l'écrivain en lui s'insurge contre le censeur qu'il doit être pour l'exercice de ses fonctions d'auxilliaire de la justice. N'est-il pas aussi un instrument d'autocensure, lui qui conseille à ses clients quoi écrire ou ne pas écrire pour les soustraire à des poursuites?

Mais, ne vous y trompez pas, Pierrat sait qu'il faut rester vigilant. La liberté d'expression est un acquis perpétuellement menacé. Il mentionne le phénomène omniprésent de l'autocensure et parle de cette censure sournoise qu'est le "politiquement correct" (Lucky Luke ne fume plus, par exemple) et de l'hypocrisie des ligues de vertu. Et attention, l'habit ne fait pas le moine. Il rappelle le cas de ce dirigeant d'une "ligue d'action morale" dans les années 50 en France dont le mandat était de poursuivre les éditeurs pour "mettre de l'ordre dans les publications destinées à la jeunesse". Grâce à la perspicacité d'un éditeur, en l'occurence Gaston Gallimard, les enquêteurs ont découvert que ce "respectable" personnage commettait des délits reliés à la pédophilie. Enfin, il conclut que si on ne brûle plus les livres, "les dommages-intérêts sont le visage moderne de la nouvelle inquisition" et que l'"écriture demeure un exercice périlleux".

Le Bonheur de vivre en enfer porte bien son nom. Plaisirs garantis que cette incursion des plus délectables dans l'univers des livres interdits vu selon Emmanuel Pierrat..

Livres en feu : histoire de la destruction sans fin des bibliothèques / Lucien X. Polastron. Paris : Denoël, c2004. 429 p. Médiations. ISBN 2207255735. " Vous êtes faits de papier et au papier vous retournerez" Walter Mehring.

Récit fascinant que ce tour du monde des destructions des bibliothèques depuis leurs origines jusqu'à nos jours. Aucune civilisation, aucune société, aucun pays, aucune époque n'ont été épargnés par les biblioclastes. Selon Lucien X. Polastron, érudit, orientaliste et auteur, entre autres, de l'ouvrage le Papier, 2000 ans d'histoire, enrichir sa bibliothèque pour ensuite ...la détruire est la compulsion partagée par tous les maîtres du monde. Les autofadés remontent de la plus haute Antiquité, car le livre étant le double de l'homme, le brûler équivaut à tuer et "l'un ne va pas sans l'autre".


Devenir minoritaire : pour une nouvelle politique de la littérature / Christian Salmon, Joseph Hanimann. Autre titre : Un parlement imaginaire? : conversation avec Salman Rushdie, Wole Soyinka et Russel Banks. Paris : Denoël, c2003. 155 p. Bibliothèque Médiations; ISBN 2207254747. PN 121 S25 2003

Le Parlement international des écrivains a décidé de s'autodissoudre en 2003, apres 10 ans d'existence. A l'origine de sa création: l'ambition de réunir de grands noms de la littérature mondiale dans une association d'auteurs engagés qui serait une tribune privilégiée pour les prises de position publique contre la censure. Mais la logique des médias étant ce qu'elle est, ce parlement est plus ou moins réalisable. Une forme d'activisme intellectuel s'est greffé au mouvement, qui "réduit l'écrivain au rôle d'attaché de presse au service d'une politique " ou au rôle d'"intellectuel domestique". Christian Salmon qui fut l'animateur de ce parlement ainsi que Joseph Hanimann, correspondant à Paris de la Frankfurter Allgemeine Zeitung discutent des raisons de cette dissolution et de ce "retour à la clandestinité". Ils explorent les nouvelles avenues et les nouvelles formes d'implication ou d'engagement politique des écrivains et des artistes. Pour conclure, trois grands écrivains nous font part de leurs réflexions sur ce parlement imaginaire et parlent du réseau des Villes Refuges pour les écrivains en exil.

Histoire des médias : de Diderot à internet / Frédéric Barbier, Catherine Bertho Lavenir. 3e éd. rev. et complétée. Paris : Colin, 2003. 396 p. Collection Collection U. ISBN 2200265999. Ouvrage de synthèse et de réflexion sur les médias ou, selon les deux auteurs, sur les "systèmes sociaux de communication". Les auteurs examinent le rapport des médias avec le savoir et le politique sur trois périodes de l'histoire occidentale dont la première commence avec l'âge d'or de l'écrit ou la Période des Lumières. La deuxième période couvre les années de 1870 à 1950 qui ont vu la naissance du cinéma et de la radio, suivie de la troisième, celle de la culture populaire et de la naissance des grands groupes de médias avec la concentration de l'édition dans les pays du Nord et le phénomène de convergence. La grande question demeure : "la rapidité de la communication de l'information a-t-elle rééllement permis une démocratisation plus large du savoir?"


The plagiarism plague : a resource guide and CD-ROM tutorial for educators and librarians / Vibiana Bowman, 1953- New York : Neal-Schuman Publishers, c2004. xv, 233 p. : ill. ; 23 cm. + 1 cédérom ISBN 1555705014. PN 167 P53 2004 + CDROM

Le plagiat n'est pas nouveau mais il a pris une ampleur considérable avec le phénomène du "copier-coller". A tel point que certains pensent que la société de l'information a créé un nouveau fléau: le plagiat. Une enquête menée en 2001 à l'Université Rutgers aux États-Unis indique que 3 sur 4 étudiants en secondaire avouent avoir plagié. Inculquer la notion de la propriété intellectuelle fait dorénavant partie de l'enseignement de l'éthique dans les écoles et les universités. Pour contrer ce fléau qui frappe fort dans notre société contemporaire, l'apprentissage doit commencer tôt et l'apport de tous les intervenants dans le milieu académique (enseignants, bibliothécaires) comme le milieu professionnel (associations et corporations professionnelles) indispensable. Présentation des stratégies mises en place dans les universités et les écoles ainsi que des moyens et techniques utilisés pour pallier au problème.


Tous managers du savoir! : la seule ressource qui prend de la valeur en la partageant / Jean-François Ballay. Adresse bibl. Paris : Éditions d'Organisation, c2002. xvii, 430 p. : ill, graph. ISBN 2708127756. HD 30.2 B35 2002

Consultant en management, Jean-François Bally, docteur ingénieur et licencié es lettres traite dans cet ouvrage de la question du savoir. Source de richesse fantastique, elle n'est cependant pas exploitée à sa juste mesure pour la raison bien simple que les "travailleurs du savoir ne savent pas ce qu'ils savent". Divisé en trois grandes parties, cet ouvrage explore les différentes facettes de la connaissance et de la compétence dans le milieu du travail et explique pourquoi le partage de ce capital qu'est le savoir est essentiel pour le succès de l'organisation.

Ces comptes-rendus de lecture sont rédigés par My Loan Duong , MLS.
décembre 2005, Bibliothèque de bibliothéconomie et des sciences de l'information

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