mercredi 30 avril 2008

Revue de lecture - 2005 - novembre

novembre :
Le syndrome de la personnalité "passive / agressive" dans les organisations : diagnostic et traitement. Neilson, Gary L., Bruce A. Pasternack and H Karen E. Van Nuys: "The Passive - Aggressive Organization". Harvard Business Review(Ce périodique est disponible en ligne à l'UdeM) Boston : Graduate School of Business Administration, Harvard University, ISSN/ISMN 00178012, vol. 23, n.10, october 2005, pp 82-94.

Non, les organisations ne souffrent plus de la peste comme dans la fable de la Fontaine. Elles souffrent maintenant, semble-t-il, comme les individus, du syndrome de "comportement passif-agressif". C'est ce qui se dégage de cette étude publiée dans le tout dernier numéro du Harvard Business Review par trois dirigeants et administrateurs de d'organisme public et de grande entreprise devenus consultants en relations de travail et spécialistes en comportement organisationnel.

Le comportement passif-agessif se manifeste surtout dans les grosses organisations, là où le personnel est nombreux et dont le fonctionnement est complexe. Selon les auteurs, s'attaquer aux effets néfastes de ce syndrome est un processus difficile et de longue haleine. On comprend qu'il vaut mieux prévenir que guérir . Compte tenu de la somme considérable de temps et d'énergie qui sera perdue dans la résolution des tensions ou des conflits, les auteurs de l'étude insistent sur l'urgence de réagir dès les premiers symptômes avant que les tentatives d'amélioration de l'état de santé du système tout entier ne s'avèrent vite trop peu, trop tard.

L'étude est basée sur des enquêtes sur le comportement de 30 000 employés travaillant dans sept grandes corporations américaines. Les auteurs ont distingué deux catégories d'organisation: celles qui sont en bonne santé (healthy organisations) et celles qui sont touchées par le syndrome du comportement passif-agressif (unhealthy organisations).

Le constat des auteurs de l'étude est plutôt sombre. D'après les réponses des participants de l'étude, les organisations saines sont minoritaires. Ce sont celles où le personnel se distingue: 1/ par un comportement résilient, c'est à dire la capacité de rebondir ou de se refaire après des échecs et d'apprendre des erreurs (17%) , 2/ par une capacité de résolution rapide et d'anticipation aux problèmes (just-in time) sans perdre de vue l'objectif final (10 %), 3/ par une précision d'exécution militaire qui est aussi le propre d'une équipe efficace et performante (4%) . Dans la catégorie des organisations à problèmes où le syndrome du comportement de type passif-agressif est présent, les auteurs notent que : 1/ l'inaction, la démotivation et la procastination sont très présents (27%), 2/ la bureaucratie est prépondérante (overmanaged) (9%), 3/ la croissance est mal contrôlée par une gestion inadéquate (outgrow) (10%) et 4/ l'improvisation et les ratés (fits-and-starts) sont nombreux, conséquences selon les auteurs d'un manque de planification ou d'énoncé d'objectifs précis ou réalistes et de l'absence d'une équipe de direction solide et efficace (8%).

Ce comportement gruge les forces vives de l'entreprise, mine le climat de travail, nuit aux relations de travail et a un impact négatif considérable sur les résultats, l'image et la performance de l'organisation. Caractérisé par cette attitude d'opposition passive qui agit de façon contre-productrice sur toute la dynamique politique et opérationnelle de l'organisation, ce syndrome de "traînage de pieds" se manifeste de mille manières: lenteur d'exécution des tâches assignées, attitude nonchalante ou désinvolte, mutisme, inaction. Le comportement passif-agressif démotive, sape les initiatives et entrave de façon pernicieuse le fonctionnement de tout le système.

Les causes, pour les auteurs, sont multiples et d'autant plus graves qu'elles sont profondes. Elles viennent de ressentiments accumulés au fil des ans, se basent sur des perceptions négatives, fondées ou non fondées, souvent ancrées dans le subconscient collectif depuis longtemps. Elles découlent d'un sentiment de frustation des employés, dû à la perception d'une reconnaissance inéquitable de leur travail ou de leur contribution et de leur valeur. Elles sont alimentées par un sentiment d'injustice lorsque les besoins d'avancement de carrière et les besoins d'enrichissement professionnel ne sont pas reconnus ou satisfaits ( When employee's heathly impulses to learn, to share, to achieve are not encouraged, other harmful but adaptive conduct gradually takes over"). Elles sont dues à l'absence de politiques de rénumération basées sur le mérite ou la compétence, à la présence d'un mécanisme de promotion arbitraire ou peu transparent, d' un mode d'évaluation de fonction désuet et inadéquat (ineffective motivators), d'une bureaucratie lourde et peu performante et d'une autorité déficiente (unclear scope authority) dans un contexte où la collaboration est minimale (agreement without cooperation). Autant de conditions pour constituer un terrain fertile à l'éclosion de ce type de comportement qui, sans aller jusqu'à la confrontation directe, par exemple une grève, est tout aussi dommageable pour l'organisation.

Bref, dans les organisations où le syndrome du comportement passif-agressif est présent, les auteurs constatent qu'il y a un disfonctionnement au niveau de la motivation et des facteurs motivateurs, de l'information et de la circulation de l'information, de la structure organisationnelle et des mécanismes de décision .

Les auteurs notent aussi que la dérive est graduelle et que malheureusement la guérison est longue car le temps empire les choses et les milieux où il y a des conflits larvés finissent par devenir des "poches de résistance" à tout changement et toute amélioration. Comme la communication interne n'est pas à son meilleur (dans les organisations atteintes du syndrome, 20% seulement d'employés pensent que l'information circule librement, alors que dans les organisations à comportement résilient, 81 % d'employés pensent la même chose), les échanges professionnels et les transferts de connaissance en prennent un coup. Certains remèdes peuvent aggraver le mal. Apporter du sang neuf (Bring in new blood) est la solution la plus usitée. Mais dans une organisation atteinte du syndrome passif-agressif, où toute tentative de changement ou d'amélioration est accueillie avec un sourire sceptique ou par des commentaires désabusés, cette solution peut envoyer aussi un message négatif ("cela va tellement mal qu'ils doivent prendre quelqu'un de l'extérieur pour remettre de l'ordre"). Quoi qu'il en soit, la personne venue de l'extérieur risque de s'aliéner les groupes en place qui lui reprochent d'aller trop vite ou pas assez vite et que les changements sont trop ou pas assez drastiques.

Les solutions ne sont pas nombreuses. Elles tiennent du gros bon sens dont un leadership par quelqu'un pour qui les intérêts de l'organisation passent avant l'égo et le portefeuille, qui veut résolument changer les choses et qui prend les moyens pour faire en sorte que tous s'en rendent compte. Voici quelques conseils des auteurs: élaborer des lignes directrices cohérentes et bien articulées, les faire connaître, ne pas en déroger et surtout faire en sorte qu'elles soient suivies (Make decisions, and make them stick). Il est important aussi de faire un bon usage de tous les potentiels et de toutes les ressources de l'organisation, de n'exclure rien ni personne, d'adresser un discours clair et fournir les faits, enfin c'est à dire donner les bonnes informations (Spread the word- and the data) et d' harmoniser les incitatifs avec les résultats (Match motivators to contributors) c'est à dire récompenser l'apport de chacun selon sa compétence et ses mérites et non seulement selon son rang hiérarchique.

Les ressources humaines sont le capital le plus précieux de toute organisation. Les dirigeants d'une entreprise atteinte du syndrome du comportement passif-agressif doivent s'attaquer au problème dès les premiers symptômes pour mener le système jusqu'à la guérison et l'étape de résilience. Redonner le goût aux employés de s'investir et de rebâtir l'entreprise est la condition de son développement durable, voire de sa survie. L'effort est payant si le message est transmis de façon sans équivoque et, s'il est sincère et consistant, il finira par être entendu et écouté. "Where there's Health, there are profits ".

* L'article commenté ici est une synthèse de l'ouvrage qui sera publié sous peu sous le titre: Results : Keeps What's Good, Fix What's Wrong, and Unlock Great Performances par Crown Business. Les auteurs: Gary L. Neilson, vice-président de Booz Allen Hamilton, une firme de consultants basée à Chicago , Bruce A. Pasternak , président et chef de direction du Special Olympics à Washington, DC Karen E. Van Nuys, directeur de la branche Booz Allen Hamilton à Los Angeles.

Ces comptes-rendus de lecture sont rédigés par My Loan Duong , MLS.
novembre 2005, Bibliothèque de bibliothéconomie et des sciences de l'information

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